- RATIONALITÉ ÉCONOMIQUE
- RATIONALITÉ ÉCONOMIQUEL’expression «rationalité économique» est employée couramment pour décrire le comportement du consommateur ou du producteur abstrait. La rationalité économique constitue l’hypothèse centrale de la théorie économique. La question de savoir s’il est possible de rendre autonome le comportement économique de l’homme et de l’abstraire de ses autres dimensions sociales est cependant posée et marque bien les limites de validité de l’analyse ainsi fondée. On considère traditionnellement la rationalité économique comme une rationalité de moyens au service de fins qui lui seraient extérieures, et l’on distingue la rationalité de l’agent de celle du système. La recherche de rationalités collectives, en dépassant ces distinctions trop rigides, en faisant appel, au-delà de la seule efficacité, aux notions de cohérence, de stratégie, montre que la dimension économique de l’action rationnelle ne peut être isolée, que les fins et les moyens ne sont pas entièrement séparables et que la rationalité des agents perdrait son sens dans un système dont les résultats seraient jugés de plus en plus irrationnels.1. Le fondement de la science économiqueEn une première acception, la «rationalité économique» peut être tenue pour le fondement de la science économique positive. Elle consiste à isoler dans le champ de l’action sociale un domaine bien déterminé dans lequel les agents, individus ou entreprises, présentent un comportement obéissant à des principes considérés comme rationnels: recherche du maximum de satisfaction, du minimum d’effort pour un objectif déterminé. Selon M. Allais, «un homme est réputé rationnel lorsque: a ) il poursuit des fins cohérentes avec elles-mêmes; b ) il emploie des moyens appropriés aux fins poursuivies».La théorie économique depuis W. S. Jevons et C. Menger a établi un certain nombre d’hypothèses concernant le comportement du consommateur et de l’entrepreneur rationnels. À partir de ces hypothèses, on peut démontrer que le comportement rationnel, celui qui maximise la satisfaction du consommateur, est celui par lequel le consommateur effectue ses choix de manière à égaliser les utilités marginales des biens achetés. Selon les doctrines classiques et néo-classiques, l’entrepreneur rationnel est celui qui vise à maximiser le profit de l’entreprise, dans le système de contraintes qui lui est imposé.La valeur de cette hypothèse théorique tient évidemment à la capacité de formalisation qu’elle comporte et qui en a fait le fondement de toute la théorie marginaliste moderne et des théories du welfare . À partir des préférences des consommateurs, on peut en effet déduire, suivant le modèle de l’équilibre général walrasoparétien, les positions d’équilibre des entreprises, la demande des facteurs de production et l’équilibre du système tout entier. La rationalité supposée des agents fonde ainsi un modèle fortement structuré, qui fait ressortir l’interdépendance des décisions économiques, qui est apte au traitement mathématique et qui permet, sous certaines conditions, une large utilisation des procédures d’optimisation.Cependant, la nature de la rationalité qu’elle suppose chez les agents ne laisse pas de soulever de nombreux problèmes. Même si l’on admet que le schéma de l’homme rationnel ne constitue qu’une approximation du comportement réel des agents, les données empiriques font douter du réalisme des hypothèses. Une théorie aussi simplificatrice ne peut pas rendre compte des phénomènes de socialisation de la consommation (interdépendance des préférences individuelles) pas plus qu’elle ne fournit une explication suffisante des stratégies complexes des entreprises. Faut-il donc se contenter de qualifier d’irrationnelles toutes les conduites qui, habituelles aux sociétés précapitalistes, échapperaient à ce champ?Les recherches de l’anthropologie économique montrent parfois que des comportements ou des institutions, qui apparemment excluent l’appel à une rationalité économique, entrent au contraire dans le champ des stratégies rationnelles à la condition de ne pas seulement définir la «satisfaction» ou l’«utilité» en termes de biens et de services consommables, mais d’y comprendre les catégories de «prestige» et de «pouvoir», ces dernières étant d’ailleurs fortement reliées aux satisfactions proprement économiques. Ainsi, une institution telle que le potlatch n’apparaît plus nécessairement comme la manifestation d’un gaspillage, d’une irrationalité; pour la plupart des ethnologues, elle est un acte rationnel de réaffirmation de pouvoir et un élément systématique dans une stratégie destinée à le conserver.Les anthropologues vont ici dans le même sens que les théoriciens modernes de la valeur et de l’utilité qui ne réfèrent presque plus ce concept à la psychologie hédoniste sommaire qu’il impliquait à l’origine et en font une «boîte vide» qui peut contenir tout objectif poursuivi par un homme ou une organisation.Sur le plan de la connaissance positive des comportements, le recours à une conception aussi étroite de la rationalité ne fournit pas d’explication satisfaisante des données que livre l’expérience. Il faut souligner cependant que cette abstraction héroïque est parfaitement délibérée chez certains économistes qui vont jusqu’au bout de leurs présupposés épistémologiques. Comme l’écrit l’un d’eux, F. H. Knight, l’«homme économique» n’est pas un «homme social», et l’individualisme économique exclut la société au sens propre du terme; les relations économiques sont impersonnelles .En d’autres termes, l’analyse «rationnelle» du marché parfait suppose que les partenaires des échanges se considèrent les uns les autres comme des «données» inaccessibles à toute influence réciproque, mais en même temps, que chacun possède sur les autres toute l’information qui lui est nécessaire pour fixer sa conduite.Le problème qui subsiste est alors celui de la légitimité de cette autonomisation de l’économique, et de la pertinence du découpage du champ scientifique.Certains auteurs, comme L. von Mises, se font les champions d’un positivisme rationaliste qui exclut toute discussion du domaine de la rationalité, puisque selon eux «l’action est, par définition, toujours rationnelle». Tout jugement sur la rationalité ou l’irrationalité d’une action est dépourvu de signification car, d’après von Mises, agir c’est tendre à la réalisation d’un objectif. C’est pourquoi, selon le même auteur, une conduite qui serait déterminée par des mobiles inconscients, au sens freudien du terme, n’en serait pas moins «rationnelle», dans la mesure ou elle cherche à réaliser ses propres fins. On remarquera que cette proposition, si elle est logiquement valable n’a pas le sens qu’on voudrait lui donner puisque, au passage, le sujet de l’action a proprement disparu.2. Rationalité par rapport aux fins et par rapport aux valeursSi l’apport du schéma de rationalité économique à la connaissance positive consiste essentiellement non dans la vérité empirique qu’il contient mais dans le support fourni à la formalisation de la science économique, il reste à juger du contenu et de la portée de cette rationalité. On rencontre ici la distinction célèbre que fait Max Weber (Économie et Société ) entre «rationalité par rapport à un but» (Zweckrationalität) et «rationalité par rapport aux valeurs» (Wertrationalität). Pour la très grande majorité des économistes l’action économique se situe tout entière du côté de la rationalité «par rapport à un but» – c’est-à-dire de la rationalité des moyens. À nouveau, M. Allais l’exprime avec clarté: «[...] en dehors de la condition de cohérence, il n’y a pas de critère de rationalité des fins considérées en elles-mêmes. Ces fins sont absolument arbitraires. Il en est ainsi comme en matière des goûts. Ils sont ce qu’ils sont.»Seule la recherche de la rationalité instrumentale , c’est-à-dire celle de la meilleure combinaison des moyens au service de fins posées extérieurement au système, serait du ressort de la science économique. Dans cette conception, la rationalité tend à se confondre avec l’efficacité.Bien que l’orientation tout entière de la science économique cherche à distinguer nettement la fin et les moyens, il ne semble pas qu’on puisse opérer un tel partage avec autant de rigueur. On ne peut atteindre une fin déterminée qu’en passant par un certain nombre d’objectifs intermédiaires qu’on peut aussi bien considérer comme des moyens.Plusieurs auteurs ont, en outre, souligné que cette autonomisation de la rationalité instrumentale s’est fait jour à un moment déterminé de l’évolution économique et qu’elle est liée à l’avènement du capitalisme. Pour O. Lange, c’est dans l’entreprise capitaliste que pour la première fois le principe de rationalité est mis en œuvre dans toute sa plénitude. Il ne pouvait pas, en effet, apparaître plus tôt, car dans l’économie traditionnelle les fins économiques ne sont pas autonomes; elles sont noyées dans une multitude de fins non commensurables et commandées, entre autres, par la coutume, la morale, la religion. La genèse de la production capitaliste a permis de les coordonner dans la recherche du gain monétaire. En même temps, cette dernière devient une activité nécessairement intentionnelle: elle suppose le raisonnement qui compare les moyens entre eux, et donc cherche à les exprimer sous une forme quantitative. L’hypothèse de Lange conduit à admettre, comme l’écrit M. Godelier, que c’est le développement des rapports marchands et monétaires, la recherche du gain monétaire et la pratique de la comptabilité qui auraient fait naître la rationalité économique.L’analyse de Weber converge ici avec celle de Lange: il estime que le seul type d’économie qui permette la réalisation de la rationalité instrumentale est caractérisé par l’échange monétaire et la propriété privée des moyens de production, parce qu’ils rendent possible le calcul économique. Ainsi le capitalisme institutionalise ce que Weber appelle la «rationalité formelle» de l’action économique. Mais, à la différence de Lange, Weber ne présente pas cette rationalité formelle comme un objectif historique fondamental. Il lui oppose, au contraire, une «rationalité substantielle» qui correspondrait à l’ensemble des aspirations des individus et des groupes et qui lui semble frustrée par le développement du capitalisme: l’économie de marché ne satisfait que les besoins solvables, elle perpétue l’opposition entre salariés et capitalistes, crée des tensions qui peuvent entraîner des révolutions ou, tout au moins, des révoltes. Mais la loi de la rationalité instrumentale doit l’emporter, car les classes non possédantes, si elles veulent triompher, doivent à leur tour se conformer au modèle de l’organisation bureaucratique. On ne peut donc se passer de ces «appareils» à organiser les pratiques rationnelles que sont la bureaucratie et l’économie de marché.Il est bien tentant de rapprocher ces perspectives de l’analyse que fait H. Marcuse de l’unidimensionalité , qui traduit l’hégémonie de la rationalité instrumentale aboutissant, en fin de compte, à une irrationalité absolue au niveau des fins.3. Rationalité «réelle» et rationalité dans la prise de décisionUne autre distinction, assez éclairante, a été élaborée récemment (1978) par H. Simon; c’est la distinction entre rationalité réelle (substantive ) et rationalité de procédure (procedural ).– On dit qu’un comportement possède une rationalité réelle s’il est approprié à la réalisation de fins déterminées, sous réserve des contraintes imposées par l’environnement. Il se traduira donc par des choix «orientés de l’intérieur» et «adaptés à l’extérieur». La rationalité de la théorie économique est évidemment de ce type: elle présente des problèmes simples, susceptibles de recevoir une seule solution. Par exemple, dans un marché de concurrence parfaite, l’entrepreneur cherche le profit maximal: étant donné sa courbe de coût et sa courbe de demande, la rationalité réelle consiste à fixer le volume de la production au point qui correspond à l’intersection des deux courbes.Ainsi la rationalité réelle en économie ne dépend pas de considérations psychologiques et suppose une information parfaite.– En revanche, on parlera de rationalité «procédurale» lorsqu’un comportement est le résultat d’un processus de décision approprié.En économie la rationalité de procédure est donc liée à la manière dont les informations sont acquises et intégrées à l’ensemble du processus. La théorie économique suppose que le décideur a, d’entrée de jeu, une information parfaite; mais ce cas n’existe pratiquement pas. Le processus rationnel est donc celui qui intègre progessivement l’information acquise au processus de choix et permet ainsi d’arriver à une solution qui est parmi les meilleures possibles mais n’est plus nécessairement la solution optimale au regard de la rationalité «réelle». L’information apparaît ainsi comme une ressource parmi d’autres et le résultat acquis est fonction de l’«effort consenti pour s’informer et de la technique de recherche». C’est ce que L. Lévy-Garboua appelle l’«éco-rationalité».Un tel élargissement du concept de rationalité serait susceptible de montrer pourquoi le champ de l’explication économique a tendance à s’étendre à des domaines relevant jusque-là d’autres disciplines et à être appelé à fournir une analyse de phénomènes aussi différents que la criminalité, le mariage, la procréation, la vie politique, la recherche scientifique, etc. – et peut-être aussi pourquoi on la retrouve chez des auteurs aussi divers que Gary S. Becker (L’Approche économique du comportement humain ), R. Boudon (La Logique du social ) et P. Bourdieu (Le Sens pratique, Questions de sociologie ). Chez ce dernier par exemple, la rationalité économique fonctionne comme un principe général d’économie des pratiques et comme une logique de l’action intentionnelle. Il est paradoxal de voir ainsi renverser la tradition de la sociologie, définie par Pareto comme la science des actions non logiques, et construite par Durkheim comme science des déterminismes sociaux qui encadrent et restreignent l’autonomie individuelle.4. Rationalité d’agent et rationalité de systèmeLa distinction entre rationalité d’un agent et rationalité du système pourrait sans doute éclairer quelque peu un débat parfois confus: la rationalité de l’agent se réfère à la manière dont celui-ci se comporte (ou doit se comporter) dans la poursuite des objectifs qu’il s’est fixés; la rationalité du système conduit à poser des questions sur sa capacité à assurer un certain nombre de fins telles que croissance des moyens de production, élévation du niveau de vie, diminution des inégalités. Ces deux types de rationalité, l’une intentionnelle, l’autre non intentionnelle, correspondent à deux options épistémologiques fondamentales: la première situe l’interrogation scientifique au niveau du sujet (que ce soit l’individu, l’entreprise ou l’État); la seconde, qu’illustrent les structuralistes, consiste à accorder à la connaissance du système le primat méthodologique sur celle des acteurs. Ceux-ci apparaissent alors seulement comme produits et «supports de la structure» et non comme ce qui lui confère son sens.La rationalité d’un système est nécessairement relative, elle ne se manifeste qu’à travers la comparaison des performances réalisées par des systèmes différents. Ainsi la notion de surplus, sur laquelle P. A. Baran et A. Sweezy fondent leur analyse de la rationalité comparée des systèmes capitaliste et socialiste, reste trop vague pour fournir un critère précis à la comparaison. On peut se demander en outre si ce vocabulaire est assez rigoureux et notamment si la notion de rationalité du système est assez clairement fondée. Comme cette rationalité est, par définition, non intentionnelle, elle ne réside que dans la cohérence interne des diverses instances qui la constituent. En d’autres termes, un système n’a pas de fins, sinon peut-être celle de se perpétuer. On peut donc admettre que tout système est «rationnel» tant qu’il se survit à lui-même, c’est-à-dire tant qu’il existe un degré de cohérence supportable entre les instances qui le composent (forces productives, rapports sociaux, idéologies, par exemple), ce qui n’empêche pas, à notre avis, de porter un jugement sur les objectifs qu’il réalise effectivement, même s’il est interdit de le faire en termes de plus ou moins grande rationalité.Enfin, il reste à savoir comment s’établit la cohésion entre rationalité des agents et rationalité du système. Les analyses de Weber aussi bien que celles de Lange illustrent la corrélation entre le développement des conduites économiques rationnelles et la naissance du capitalisme. Dans cette optique, il est facile de montrer que la généralisation et l’approfondissement de la rationalité instrumentale des individus et des organisations ne sont que l’intériorisation des rapports sociaux caractéristiques des capitalismes contemporains, la conséquence de l’extension du «monde de la marchandise», etc.5. La recherche des rationalités collectivesParallèlement au travail de clarification des concepts et d’interrogation sur le statut épistémologique de la rationalité, se poursuit la recherche des méthodes destinées à assurer la rationalité des décisions collectives. Dès que l’on dépasse le niveau de la micro-unité, dont les finalités sont assez simples, et traduisibles par exemple en une fonction à maximiser sous contraintes, on aborde la sphère des «macrodécisions» (F. Perroux) et les fondements des choix sont loin d’être aussi clairs. Une planification repose sur un ensemble de décisions obéissant à une logique complexe. Le domaine des calculs collectifs ne cesse d’ailleurs de s’accroître: il englobe les choix budgétaires, la santé, l’éducation, la sécurité des personnes. Ces choix collectifs impliquent la mise en œuvre de techniques nouvelles comme l’analyse des coûts par rapport aux avantages, le P.P.B.S. (Planning Programming Budgeting System ), la R.C.B. (rationalisation des choix budgétaires) en France, les diverses formes d’analyse multicritères à travers lesquelles cherche à se définir une science de la décision.À défaut d’analyser ici ces différentes méthodes, dont l’ensemble constitue le champ même des pratiques économiques contemporaines, on se contentera de signaler, d’après Y. Barel, quelques-unes de leurs caractéristiques.En premier lieu, la rationalité sociale est intéressée autant par la cohérence des décisions à prendre que par leur efficacité , au sens étroit du terme. Les calculs d’efficacité gardent leur sens s’il y a un degré d’homogénéité suffisant entre les coûts et les rendements, s’il existe entre la décision et ses conséquences une relation suffisamment étroite, si le choix entre effectuer ou ne pas effectuer une intervention reste réellement ouvert. Mais les calculs doivent être replacés dans une stratégie fondée avant tout sur la cohérence d’une série d’objectifs, tenant compte de l’incertitude et s’efforçant de dégager, plutôt que des «points» uniques, des «fourchettes» dans l’intervalle desquelles les décisions seraient rationnelles. Cette stratégie doit inclure des décisions sur les fins, car il vient un moment, en remontant la chaîne des objectifs qui constituent des moyens pour d’autres fins d’un niveau plus élevé, où, comme l’écrit Y. Barel, «nous nous trouvons devant un jeu d’objectifs dont la justification réside en eux-mêmes». L’efficacité n’est donc pas fondamentalement distincte de la cohérence; l’auteur précise qu’elle est l’une des formes sous lesquelles «se manifeste l’insertion cohérente d’un élément dans un ensemble».En second lieu, les décisions sociales sont prises en fonction de motivations diverses, économiques, politiques, psychologiques, c’est-à-dire en fonction d’une série de rationalités. Dans une telle situation, l’attitude de l’économiste consiste souvent à traiter la rationalité économique comme un moyen au service d’une fin qui lui est extérieure et dont il se déclare incapable d’apprécier le bien-fondé. Mais en fait toutes les rationalités qui sont prises en compte dans une décision sociale sont à la fois les fins et les moyens de la fonction de préférence.En ce sens, les fins non économiques ont un coût, qui, lui, est économique, et inversement, pour parvenir à des résultats économiques, il est parfois nécessaire de mettre en œuvre des moyens politiques: c’est le cas des révolutions, des réformes agraires. Il est donc nécessaire d’effectuer, si l’on comprend bien Barel, un travail d’évaluation des rationalités les unes dans les autres. Cependant la rationalité dominante reste économique. Sur ce terrain, la rationalité collective se différenciera fortement de la rationalité marchande: elle devra tenir compte des économies externes, des indivisibilités, des complémentarités, elle intégrera la rationalité des mutations structurelles ainsi que celle des cohérences structurales.Ainsi comprise, la recherche de la rationalité collective ne peut être réduite au seul calcul, en termes quantifiés, des avantages et des coûts. Elle apparaît comme une procédure complexe qui se propose d’expliciter les fins de l’action, d’assurer leur cohérence, de retracer le cheminement des moyens aux fins et d’assurer leur efficacité. C’est en somme la science de l’action mise au niveau (et au service) de la politique, voire de l’histoire. On ne peut se défendre d’admirer cette nouvelle version perfectionnée de la «raison instrumentale». Mais on ne peut se défendre non plus de la crainte (ou de l’espoir?) que la praxéologie transparente des techniciens du politique ne rencontre sur son chemin les forces obscures qui ont fait l’histoire.
Encyclopédie Universelle. 2012.